Il est 6h30 dans le vieux quartier de Hanoi. La rue Bao Khan est animée, des jeunes femmes sont venues de la campagne avec leur vélo chargé de fleurs fraichement cueillies. Elles déposent sur le trottoir de larges paniers d’osier débordant de roses, d’orchidées et de fleurs sans nom pour moi. Mon appareil photo déclenche tout seul tellement le spectacle est agréable, je m’agenouille devant les gerbes colorées, les filles pouffent de rire…
C’est à ce moment là qu’est arrivé Petit Chef. Rond et court sur pattes, faciès de bouledogue sur uniforme vert-chiasse. Afin de rétablir l’ordre et la sécurité sur rue et trottoirs, il lance sa botte rageuse dans les paniers de fleurs et renverse les bouquets, bouscule les paysannes timides, fier d’exhiber sa matraque en érection. Il fait mine de confisquer un vélo puis le rendra en échange de quelques billets soutirés à une fille en pleurs.
Moi, j’ai oublié les fleurs et j’immortalise le défoulement du cerbère frustré, regrettant de ne pouvoir le mitrailler qu’au sens photographique du terme. Pendant ce temps, les badauds s’attroupent mais pas un disciple de Brassens parmi eux et nous ne sommes pas au marché de Brive la Gaillarde.
Je finirai au poste de police, échangeant ma liberté contre l’effacement des photos déclarées « illégales » par le grand chef de Petit Chef.
En repassant dans la rue, je suis satisfait, les jeunes femmes ont repris leur vente à la sauvette pendant que j’occupais le méchant.
Christian Vérot
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