Nous sommes de retour en Écosse après l’escapade au Svalbard proposée dans notre lettre précédente. Depuis quatre semaines nous sillonnons les routes étroites des Highlands, celles des îles d’Arran, d’Islay, de Jura au sud-ouest et des Orcades au nord-est de l’Écosse.
Ces dernières ont constitué l’étape la plus au nord de notre voyage. Voici quelques jours, le ferry au départ de Stromnes (une des deux villes des Orcades avec Kirkwall la « capitale ») nous a déposés sur le « continent écossais » pour prendre la route du retour. Depuis deux semaines, la pluie suit notre itinéraire. Si nous lui faussons compagnie quelques heures pour nous émerveiller de la limpidité de l’air et des furtifs pinceaux de soleil glissant sur la bruyère, elle se venge dès qu’elle retrouve notre trace. Elle fouette nos visages, transforme la lande en marécage, la route et les sentiers en une succession de flaques reflétant un ciel de deuil. La nuit, avec la complicité du vent, elle tambourine notre abri de tôle. Retrouver l’odeur de la terre mouillée et des feuilles mortes, sentir la pluie sur nos visages et la succion de la boue retenant nos bottes : l’été sous notre latitude nous avait fait oublier cela !
Mais résumer ces jours de voyage à la pluie et au vent est injuste. Il nous faut vous parler des heures passées à observer la nature. Un soir, sur l’île de Jura, nous avons stationné le véhicule à l’écart de l’unique route. Nous venions de repérer sur un relief proche un groupe de cerfs : un mâle adulte portant haut sa ramure, une douzaine de biches, quelques faons et deux jeunes mâles à l’écart. Le jour est tombé trop vite et nous avons décidé de camper-là dans l’espoir que la troupe soit encore présente dans les environs le matin suivant. Nuit sans sommeil car l’obscurité venue, les cerfs ont quitté la colline, traversé la rivière et fait étape dans la prairie tout près de notre véhicule. Le mâle a bramé jusqu’au lever du jour, beuglement triste ponctué de cavalcades pour éloigner les concurrents attirés par son harem.
Sur l’île de Hoy dans les Orcades. Un sentier s’élève au-dessus de la baie de Rackwick et des quelques maisons dispersées sur le vert des pâturages. En haut de la falaise le vent nous accompagne par grandes bouffées froides. Il a chassé les nuages lorsque nous parvenons au but de notre randonnée : The Old Man of Hoy, rocher de 137 m de hauteur qui réchauffe ses vieilles pierres à la lumière du couchant.
Randonnées dans les bruyères et les forêts, découverte de la vie sauvage : milans royaux tournoyant au-dessus des labours, nuées d’oies cendrées se nourrissant dans les chaumes puis prenant leur envol pour une nouvelle étape dans leur migration vers le sud, courlis, faisans, lagopèdes, cygnes parsemant les lacs de leur plumage blanc et du gris de leur progéniture, phoques, cerfs, lièvres, écureuils, recherche frustrante des loutres, confiserie dégustée dans l’ambiance so british d’un Tea Room que réchauffe le sourire d’une serveuse et le ronronnement des conversations.
Pour conclure, quelques mots sur la douceur de l’accueil. Nos échanges avec les Écossais se limitent le plus souvent à des choses pratiques, une maîtrise chaotique de l’anglais ne nous permettant guère d’aller au-delà. Pas une rencontre sur nos chemins de balade sans un chaleureux sourire et un mot aimable, pas un commerce ou un bureau de réservation d’où nous ressortons sans être touchés par la gentillesse et la patience face à nos propos hésitants. La bienveillance est là et conforte l’envie d’un autre voyage en Écosse malgré la pluie et le vent…
À bientôt en Forez.
Annie et Pierre
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