Annie et Pierre nous livrent leurs impressions en ce début de voyage aux îles Féroé qu’ils avaient déjà parcourues il y a 33 ans.
14 juin 2023. Kunoy, unique village de l’Île de Kunoy au nord-est des Féroé. Temps gris, sommets noyés dans le brouillard. Deux uniques couleurs : le rouge du clocher de l’église, le vert des prairies surplombant le métal sombre de l’océan…
Voilà vingt jours que nous avons quitté le ferry Norrøna assurant la liaison entre Danemark et Islande. Tous les voyageurs utilisant leur véhicule personnel pour découvrir l’Islande empruntent ce navire de la compagnie féringienne Smyril-Line. Une seule escale ponctue les trois jours de navigation : Tørshavn, la capitale des Îles Féroé. L’archipel, sous souveraineté danoise, se compose de 18 îles peuplées de 53 000 habitants.
À l’occasion de l’escale à Tørshavn, il est possible de découvrir quelques îles de l’archipel mais la grande majorité des passagers du Norrøna n’ont qu’une hâte : rejoindre au plus vite « l’île de feu et de glace » : l’Islande !
Curieuse idée de parcourir quatre semaines durant ces îles aux reliefs inclinés de prairies lumineuses s’effondrant en murailles sombres sur l’océan. Villages, puzzles de maisons aux couleurs vives nichés dans les fjords, ports abrités des tempêtes… : Streymoy, Vagar, Eysturoy, Kunoy, Nólsoy, Suđuroy, Mykines…
En 1990, à l’occasion de notre second voyage en Islande, j’avais fait seul la route jusqu’au Danemark puis la traversée en ferry jusqu’en l’Islande. Trois semaines après mon départ de France, Annie et Marie me rejoignaient à Keflavik, l’aéroport international islandais. Une escale de 10 jours aux Féroé m’avait permis de découvrir quelques îles de l’archipel.
Mykines était mon premier objectif. Dès le débarquement à Tørshavn, j’avais pris la route de Sørvágur sur l’île de Vágar d’où un petit canot à moteur m’avait déposé, après 1 h 30 de mer houleuse, au pied du seul village de l’île : toits d’herbe, façades noires, fenêtres cerclées de blanc. Je logeais dans une mansarde. Vue sur l’océan, les prairies, les falaises et, tout à l’ouest, le phare face à la tourmente.
Mykines est la plus occidentale des Îles Féroé. Les tempêtes l’isolent souvent et lorsque la mer ne permet pas la navigation, l’hélicoptère seul relie les villageois au reste du monde. Mykines c’est l’île aux oiseaux. Quatre jours durant, seul étranger du lieu, j’avais parcouru les prairies presque verticales, longé la crête des falaises bousculées par le vent : macareux, mouettes, fulmars, guillemots, fous, pingouins torda, sternes, toute la faune ailée du nord de l’Atlantique avait là ses représentants… 33 ans se sont écoulés, de nouvelles découvertes se sont ajoutées au magasin des souvenirs. Mykines est resté un moment fort. Était-il raisonnable de revenir à Mykines ?
27 mai 2023. Nous débarquons à Tørshavn. Étape à l’office de tourisme. Une hôtesse entourée de brochures en papier glacé et d’artisanat « local », souriante devant un clavier et un bel écran. Un seul hébergement disponible à Mykines : 1 000 € pour deux personnes et trois nuits, repas non compris… L’écran se tourne vers nos visages dubitatifs : une coquette chambre sous les toits. Peut-être celle, remise à neuf, que j’avais occupée 33 ans plus tôt… Les trois jours prévus deviennent une seule journée. Embarquement le matin, retour dans l’après-midi. À Sørvágur, le canot à moteur a été remplacé par un bateau pouvant accueillir une cinquantaine de personnes. Toutes les places sont occupées par des touristes venus à la découverte de l’île aux oiseaux. Même volée d’escaliers qu’en 1990 à l’assaut de la falaise. À l’entrée du village, deux « gilets jaunes » nous attendent : un sera notre guide, l’autre est muni d’un terminal de paiement. Visite guidée obligatoire : 1 000 couronnes soit 130 € pour 2 personnes, durée 2 heures… A défaut de s’acquitter de cette somme seule la visite du village est possible !
Dans le pas du guide-gilet-jaune, la file disciplinée de touristes longe la falaise. Un terrain escarpé, des passages étroits soumis aux vents tourbillonnants et une identification rapide des oiseaux demanderaient cinq heures aux voyageurs les plus pressés. « Pour raison de sécurité » la visite se limitera à un quart de l’itinéraire, la colonie de fous ne sera qu’un tache claire sur une falaise lointaine et le phare une forme inaccessible dans la brume… Deux heures précises nous sommes de retour au village, à temps pour que guide et terminal de paiement accueillent un nouveau groupe de visiteurs juste débarqué au pied de la volée de marches.
Il ne faut tenter de revivre ses souvenirs !
Alors nous partons à l’assaut de nouvelles îles, de nouvelles falaises, de nouvelles randonnées, de phares suspendus entre ciel et mer, de bivouacs solitaires à l’écart des images lisses du bel écran de l’office de tourisme de Tørshavn. Les Féroé sont riches de tout cela.
Annie et Pierre
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