Je suis effondré à côté de la radio. Je voudrais hurler ma rage, aucun mot ne sort, trop de douleur. Je serre les poings et c’est vrai, je voudrais les écraser sur la gueule de ces assassins, j’alterne les sanglots de peine et les montées de haine. J’ai honte de cette violence qui me submerge. Ils ont tué 12 êtres vivants, mais pas seulement. Tout comme en tuant Jaurès, ils n’enlevaient pas qu’une vie, ils s’attaquaient à un symbole. Aujourd’hui, des individus s’attaquent à la liberté de penser, à la liberté d’expression, ils veulent tuer la démocratie, la république. Avant nous, des générations d’hommes et de femmes ont combattu et nombreux ont donné leur vie pour nous offrir ces valeurs. Quelques salauds voudraient les tuer une seconde fois et obliger nos enfants à vivre dans le monde imaginé par leurs cerveaux malades.
Comme la peste brune se répandit dans les années 1930, de Berlin à Rome et jusqu’à Paris, une autre se répand aujourd’hui, de Mossoul à Tombouctou et encore jusqu’à Paris. Il faudra éviter les amalgames et avoir la force de ne pas laisser ce nouvel obscurantisme nous pousser dans les bras de l’ancien. Car ce dernier est toujours virulent, même si le national-socialisme se donne des airs de nationalisme social. Ce drame ne doit pas diviser notre société en jouant sur les peurs et les préjugés.
Tous les fascismes pratiquent l’assassinat politique, mais aucun ne peut exterminer la liberté de pensée ni d’expression. Même si nous n’avons pas le talent de ceux qu’ils ont fait taire ce 7 janvier, nous devons être leur voix afin de mettre en échec la barbarie.
Cabu comme les autres a accompagné mon adolescence, a éveillé ma conscience, il était mon prof de subversion. Ses dessins furent plus parlants pour mes 16 ans que de longs discours. A grands coups de crayons, il étrillait le beauf macho et raciste, il pourfendait toute forme de violence et ridiculisait tous les intégrismes. Charb et ses copains de Charlie Hebdo luttaient avec leur intelligence afin de dessiner un monde plus humain, plus libre, plus juste.
Alors, de sinistres individus ont utilisé des fusils comme leurs semblables utilisaient des bûchers, des goulags ou des chambres à gaz.
Wolinski et ses copains étaient mes grands frères, ils m’avaient appris à distinguer les pièges dissimulés dans l’obscurité. Des brutes épaisses ont cassé les projecteurs mais ils échoueront à imposer la nuit et le brouillard. Quand un résistant tombe, dix se lèvent et demain nous serons des millions face à une poignée de lâches.
Ils peuvent arracher des fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps.
Christian, 8 janvier 2015
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