Vous connaissez à coup sûr le Cap Horn. Le Passage du Drake vous est peut-être moins familier. Le corsaire anglais a donné son nom à cette étendue tumultueuse séparant Cap Horn et Péninsule Antarctique. Les tempêtes venant d’ouest s’y engouffrent renforcées par les rafales glacées montant du pôle. Au rythme d’une dépression toutes les 72 h, les chances d’échapper à une tempête pendant la traversée, sont presque nulles : il faut au minimum trois jours, 1 000 km de haute mer, pour gagner l’abri d’un mouillage en Antarctique.
Nous quittons Ushuaïa. La houle nous oblige à naviguer au moteur. Je suis du premier quart, celui qui prendra fin lorsque pointera la silhouette inquiétante du Cap Horn. Éric le skipper a montré du doigt le passage entre deux petites îles voilées d’écume. Il suffit de conduire le voilier dans cette direction tout en gardant l’œil sur le sondeur : le Beagle est un cimetière de navires naufragés.
Midi. Mon quart est terminé. La vue du Horn n’apaise pas le mal de mer qui m’envahit. Le Drake nous souhaite la bienvenue par une gifle magistrale qui incline fortement le voilier. Je rejoins en titubant la bannette.
72 h de mer forte. Annie et quelques autres assurent tous les quarts, suppléant les ombres recroquevillées au fond des couchettes. Tous les quarts ou presque car la deuxième nuit, les vagues balayant violemment le pont, les plus courageux se sont mis à l’abri sans réveiller les suivants inaptes à la navigation. 6 h sans personne au quart ! Cela aurait valu les fers aux cap-horniers d’antan. La tenace embarcation a continué sa route dans la pâleur de la nuit australe. Éric était là, les yeux rivés sur le faisceau vert du radar.
Annie et Pierre
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